

L'atelier sera ouvert le dimanche 30 juillet à 16h30. Benoît Géhanne, artiste invité pour une résidence en juillet, présentera son travail de peinture sur le projet qu'il mène en Limousin sur les barrages en partenariat avec EDF.
Le public pourra poser toutes les questions qu'il désire.
Barrage de l’Enchanet sur la Maronne

Projection # 19, 2015, acrylique sur laiton, 29,7 x 21 cm
« L’objet technique n’est pas beau dans n’importe quelles circonstances et n’importe où ; il est beau quand il rencontre un lieu singulier et remarquable du monde. (…). L’objet technique est beau quand il a rencontré un fond qui lui convient, dont il peut être la figure propre, c’est-à-dire quand il achève et exprime le monde »
- Georges Simondon, Du mode d’existence des objets techniques.[1]
J’ai pour projet de réaliser une série de pièces – peintures, dessins, volumes – autour des barrages hydrauliques enchâssés dans les gorges de la Dordogne. C’est autant l’objet barrage lui-même, comme forme technique et architecturale, que sa propension à révéler le paysage comme un cadre, comme un parergon, qui fait l’objet de mon intérêt. Le barrage devient alors une figure, un motif que je documente par des prises de vue comme par l’exploration d’archives, afin d’en extraire des processus de concrétisations et de déterminations formelles.
Ce travail a très logiquement été nourri par les écrits de Simondon. Simondon appelle objets techniques des objets au design « pauvre », où la forme suit la fonction – c’est elle qui lui confère sa consistance et sa spécificité. Pour ma part, je considère que la fonction n’est pas seulement histoire d’usages, mais qu’elle renvoie tout autant aux caractéristiques techniques des matériaux. J’entends donc le propos de Simondon en analogie avec les thèses du Modernisme, notamment l’affirmation de la spécificité des médiums. Concernant les barrages hydrauliques, c’est au vocabulaire technique de l’architecture de béton que renvoie cette logique fonctionnelle des matériaux, avec pour particularité la nécessité de contenir une masse considérable d’eau par un ancrage dans la roche et le paysage. Cette économie de la forme est en résonnance avec mes recherches plastiques.
Mais la pensée de Simondon fait aussi particulièrement écho, à mon sens, avec des préoccupations proprement picturales. C’est comme si la peinture lui servait de modèle pour définir une esthétique de l’objet technique dans le paysage : quand il dit que l’objet technique est beau lorsqu’il rencontre un fond qui lui convient, dont il peut être la figure propre, l’argument rappelle d’évidence d’autres théories de la peinture, celle-là qui se joue dans un rapport fond/forme. Le barrage sis dans le paysage évoque un tableau – une composition placée dans un cadre, une surface picturale interdépendante de son support, qui vient jouer avec ses bords.
Si un barrage hydraulique apparaît comme une figure qui se détache du paysage c’est, comme le suggère aussi Simondon, parce qu’il se donne à voir tout en révélant le milieu dans lequel il s’insert. Le mouvement est donc double, et fonctionne par renversement de la proposition. Le barrage semble surgir, apparaître en saillance dans les sites remarquables où il se greffe, mais il vient aussi d’une certaine façon comme cadrer le site géographique qui l’encadre.
Je considère le barrage comme un parergon : un objet intermédiaire, un objet qui cadre ce qui lui est intrinsèque comme ce qui lui est extérieur. Le barrage est cet objet architectural qui fait barrage, qui empêche la circulation, qui interrompt le paysage et fait écran, et en même temps cet élément qui souligne le milieu naturel, qui génère des points de vue, canalise et engendre des flux. Sans oublier que cet objet technique change l’économie du milieu dans lequel il s’inscrit.
Car le barrage indexe bien d’autres champs : tous les changements historiques, géopolitiques, économiques, sociaux et environnementaux que son exploitation implique quant au territoire. Dans mon travail, le barrage sera en définitive plus un objet qu’un sujet. Un point d’entrée, un biais via lequel le regard pourra se projeter vers des domaines connexes.
[1] Georges Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Aubier, 2012, p. 15.
![]()  Barrage de Bort à Bort-les-Orgues
![]() 
recul 3, 2015, huile sur aluminium, 100 x 80 cm
Voir son CV
|